Sur le roulis des vagues j’entends encore son prénom qui glisse. Je l’ai rencontrée un beau jour d’été sur un bateau, un beau jour gris et pluvieux. J’ai compris en l’observant ce que j’admire chez elle : sa liberté. Une liberté dans son corps lorsqu’elle danse sur le pont ou lorsqu’elle se jette à l’eau, une liberté dans son âme lorsqu’elle déclame un poème face à l’océan, une liberté semblable à celle que l’on trouve chez ceux qui ont tout abandonné. Dans mon souvenir son image est accompagnée de son rire. Il tinte et résonne dans l’air, il m’étonne aussi car j’y ai ressenti l’ombre d’un doute : quand je ferme les yeux il m’arrive de ne plus savoir si c’est l’éclat d’une joie ou d’un sanglot. Pourquoi ai-je cette impression qu’elle a dû autant pleurer que rire dans sa vie, que ces deux états ne forment plus qu’un seul en elle aujourd’hui ? Et pourtant, elle semble avoir abandonné ses bagages, me faisant ainsi comprendre que ce n’est pas dans le passé, mais dans le futur qu’il faut prendre Racine.
Cet entremets se compose d’un croustillant aux fèves de cacao, d’un biscuit aux amandes et au cacao, d’un crémeux à la vanille et d’une mousse au chocolat. Il est recouvert d’un glaçage au chocolat et de chocolat incrusté de grué de cacao sur le pourtour.
Racine par Claire Heitzler mesure 70 mm de diamètre et 32 mm de hauteur. Le spécimen acheté pèse 117 grammes et coûte 7,00€.
Une odeur de chocolat se dégage de la pâtisserie. Visuellement, le glaçage est lisse et luisant, ne comportant aucune trace de manipulation et aucune bulle. Sa saveur est cacaotée et sa texture est celle d’un gel sans être trop élastique, évitant ainsi l’effet “peau” et permettant une meilleure adhérence à la mousse sous-jacente. Un motif de racines, ou d’arbre peut-être, est visible en impression sur le glaçage. Il condense rapidement quelques gouttelettes dans ses sillons, ce n’est pas du meilleur effet sans être un drame.
Le chocolat qui enveloppe le pourtour du dessert ne présente aucune craquelure. Il est d’une épaisseur homogène et fond rapidement en bouche, tout en offrant une texture craquante sous les dents grâce au grué de cacao qu’il incorpore. Il donne accès avec le glaçage à une mousse au chocolat qui surprend par sa quantité parcimonieuse. Sa saveur est forte, mais son volume est limité. Cela me réjouit car elle joue sans rôle et m’évite la découverte d’un volumineux tas de mousse comme souvent dans les entremets. Disposée avec précisions entre les composants du dessert, la mousse est fondante et marque la langue par le dépôt d’un léger film gras.
Cette mousse enveloppe un généreux crémeux à la vanille, dense et onctueux. Voici la vanille comme on l’aime, franche, gourmande et capiteuse. Je la ressens facilement, et elle n’est intégrée dans la composition pour jouer les seconds rôles. Elle s’impose et s’équilibre avec le chocolat, me permettant d’apprécier les deux saveurs avec discernement.
Sous le crémeux à la vanille et la mousse au chocolat, le biscuit moelleux aux amandes possède une texture proche de celle d’un cake. Sa mie étant bien serrée, il demeure moelleux et intègre, avec une humidité maîtrisée. Je ressens naturellement sa saveur cacaotée, mais la saveur de l’amande me semble plus comme une nuance qui peut passer inaperçue. Enfin, le croustillant aux fèves de cacao marque le palais de façon bien plus spectaculaire. J’y ressens d’abord le craquement des crêpes dentelles, la pointe de sel, puis en dernier l’amertume douce du grué de cacao. C’est le dernier coup de maîtresse qui souligne tout le reste.
VERDICT
Racine par Claire Heitzler est un de ces desserts qui savent consoler, non pas seulement par la gourmandise d’un équilibre exquis entre la vanille et le chocolat, mais aussi par la foi qu’il nous donne dans le pouvoir de la nuance, chose que nous n’avons que trop perdue. Élégant et précis, il nous invite à la contemplation, à la réflexion autour de sa construction et de ses textures maîtrisées. Il nous fait remarquer toutes les notes qui peuplent un riche spectre gustatif et qui varient entre puissance et douceur. Certes, on lui aurait peut-être voulu davantage de mousse de chocolat, mais seulement un rien de plus. C’est un entremets où les saveurs et les textures me semblent disposées comme une évidence, prenant toute leur place avec un naturel étonnant, sans effort aucun. Racine n’est certainement pas une création banale dans le répertoire de la cheffe pâtissière, c’est aussi un aboutissement.
Note : 9,0/10
Adresse :
Claire Heitzler & Producteurs
9 rue du Parc, 92300 Levallois-Perret
Tél : +33 1 47 39 94 74
www.patisserie-claire.com
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