Nous marchions à pas de loup dans la forêt, le but étant de ne pas effrayer l’animal. Mais il nous fallait bien un indice de sa présence, et pour cela il existait une preuve qui ne laisserait aucun doute. Scrutant le sol, j’aperçus soudain quelque chose qui attira mon attention. Je me baissai, écartai les brindilles du bout de mes doigts et soulevai… une noisette ! La forêt était riche en noisetiers, alors ce n’était certes pas une surprise mais, en la retournant, je vis enfin la marque du muscardin ! Il était bien là avec nous, planqué dans un arbre ! La coque vide présentait un trou soigneusement grignoté par le tout petit rongeur arboricole qui avait fait de cette noisette son festin, la tenant goulûment entre ses deux minuscules pattes. Rien que de l’imaginer faire me mettait de bonne humeur. À mon tour de l’imiter avec le Trio de Noisettes proposé au Lutetia à l’occasion des fêtes de Pâques cette année ! Seulement moi, je ne laisserai aucun indice de mon passage.
Cette création se compose de 3 coques en chocolat au lait, ayant la forme de noisettes, remplies de noisettes de Bourgogne entières torréfiées. Elles sont entourées chacune d’un involucre en chocolat noir poudré de cacao. L’ensemble est fixé sur un socle en chocolat noir.
Le Trio de Noisettes par Le Lutetia peut s’inscrire dans un volume 15 cm de largeur, 16 cm de longueur et 8 cm de hauteur. Le spécimen acheté pèse 255 grammes et coûte 35,00€.
Naturellement, une forte odeur de chocolat embaume dès l’ouverture de l’emballage qui me paraît disproportionné par rapport à la taille de l’objet. En effet, malgré le fait que le socle en chocolat soit fixé sur le support en carton argenté, ce trio de noisettes peut quand même bouger lors du transport. Attention alors aux pointes des bractées en chocolat qui peuvent se briser : j’en ai perdu deux de cette façon, malgré une manipulation précautionneuse.
Ces bractées de noisettes faites en chocolat noir sont poudrées d’un cacao qui les matifie et que l’on retrouve de façon plus visible dans leurs anfractuosités. Cela crée un beau contraste de couleurs avec le chocolat noir qui me semble avoir été moulé autour d’un film plastique irrégulier sur sa face intérieure. Cette surface ainsi torturée me paraît plus réaliste – en tout cas plus travaillée – qu’une simple surface lisse et brillante. Elle est aussi moins sujette aux traces de doigts lors de sa manipulation évidemment. Le chocolat noir lui-même ne se révèle pas particulièrement surprenant à la dégustation, ni spécialement puissant, bien qu’honnête. Il est d’une fine épaisseur, légèrement acide et peu amer.
Les trois noisettes sont faites chacune de deux coques de chocolat au lait soudées ensemble, puis recouvertes d’un flocage de chocolat qui leur donne cet aspect velouté. À la fois leur couleur et leur aspect créent un judicieux contraste avec les bractées qui les entourent. Je ne vois aucune bavure significative de moulage ou de flocage exagérément aggloméré, l’ensemble est très soigneux. L’épaisseur des coques est plutôt variable selon les endroits, mais elles restent fines en général. J’apprécie davantage leur chocolat au lait comparativement au chocolat noir, car dans son registre il me paraît relativement bien cacaoté.
Au cœur de cette création se trouvent les noisettes de Bourgogne, les fameuses Cazettes. Une recherche rudimentaire nous enseigne que « La Cazette La Fleur de Noisette » est une marque déposée par M. Alain Desboudard en 1999. Ce dernier est également inventeur d’un brevet déposé 10 ans plus tôt, au lendemain de Noël 1989. Son invention porte principalement sur un produit alimentaire à base d’amandons de noisettes torréfiées lorsqu’elles sont encore fraîches – c’est donc une de ses principales spécificités – avec la description d’une méthode précise de contrôle du brunissement des noisettes et des paramètres du processus de torréfaction. Chose qui me paraît inattendue aujourd’hui, il semble qu’initialement ce produit a été envisagé pour créer des moutures de noisettes servant à fabriquer des boissons, par analogie avec le café.
L’ouverture des coques libère spontanément un contenu généreux de Cazettes entières, certaines étant fixées sur les parois et d’autres roulant librement hors de leur prison chocolatée. Effectivement, je peux dire qu’elles se distinguent d’abord par leur craquant sous les dents. Elles étonnent par leur légèreté sur la langue, indice d’une faible teneur en eau résiduelle, et elles se brisent immédiatement en petit morceaux d’un bruit sec ! Leur tégument n’est pas toujours présent, ou bien il n’est jamais complet, laissant voir leur jolie surface uniformément dorée. Les amandons sont d’une belle taille et quasiment tous entiers, ce qui me laisse une impression de qualité. En bouche, il est vrai qu’elles sont particulièrement parfumées, les notes boisées montant au nez immédiatement dès la première bouchée.
VERDICT
Qu’attend-on d’une création de Pâques en chocolat, venant d’un palace Parisien ? Pour ma part, je ne recherche pas la surenchère, tant elle est banale aujourd’hui avec une disponibilité facile des moulages les plus tarabiscotés, à la faveur d’une impression 3D accessible à tous. Je ressens plutôt la qualité à la signature d’un chef pâtissier, à l’empreinte de son geste et de sa réflexion. Alors, si ce n’est pas l’amoncellement de formes incroyables ou de pralinés dégoulinants, s’il ne s’agit pas d’épater, il s’agit en réalité d’être juste. C’est là que se trouve la vraie difficulté, car c’est cette justesse qui caractérise l’école française en tous domaines. Je la retrouve dans le Trio de Noisettes de l’hôtel Lutetia, proposé par Nicolas Guercio. Il a fallu qu’il ose faire autrement sans afféterie aucune : cela n’est pas facile ! Sa création est élégante, elle se met en avant mais reste un peu en retrait, elle laisse un espace à notre imagination et à notre gourmandise. Le chocolat noir des involucres ou bien le chocolat au lait des coques sont tout à fait honnêtes, mais ce sont bien les cazettes qui donnent l’impression d’être le vrai trésor au cœur d’un bel écrin soigneusement travaillé. La simplicité désarmante de ces noisettes entières et impeccablement torréfiées recentre notre attention sur la valorisation d’un authentique produit bourguignon. Nous sommes dans le vrai, loin de toute esbrouffe. Voilà qui est chic.
Adresse :
Hôtel Lutetia
45 boulevard Raspail, 75007 Paris
Tél : +33 1 49 54 46 00
https://www.mandarinoriental.com/fr/paris/lutetia
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